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王佛陀历险记

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《王佛脱险记》

Le vieux peintre Wang-Fô et son disciple Ling erraient le long des routes du royaume de Han. Ils avançaient lentement, car Wang-Fô s'arrê-tait la nuit pour contempler les astres, le jour pour regarder les libellules. Ils étaient peu chargés, car Wang-Fô aimait l'image des choses, et non les choses elles-mêmes, et nul objet au monde ne lui semblait digne d'être acquis, sauf des pinceaux, des pots de laque et d'encres de Chine, des rouleaux de soie et de papier de riz. Ils étaient pauvres, car Wang-Fô troquait ses peintures contre une ration de bouillie de millet et dédaignait les pièces d'argent. Son disciple Ling, pliant sous le poids d'un sac plein d'esquisses, cour-bait respectueusement le dos comme s'il portait la voûte céleste, car ce sac, aux yeux de Ling, était rempli de montagnes sous la neige, de fleuves au printemps, et du visage de la lune d'été.

老画家王佛和他的弟子林在汉王国的通衙大道上浪游。他们慢慢地朝前走着,因为王佛时常要停下来,白天端详蜻蜓,晚上仰观星辰。他们的行囊轻便。因为王佛爱的是物体的形象而不是物体本身。对画家说来,世界上除了画笔、墨瓶、漆罐、绢卷和宣纸以外、似乎再没有别的什么东西是值得占有的了。他们十分贫困因为王佛鄙视银钱,只用他的画来换取一顿小米粥充饥。他的弟子林背着一个装满了画稿的口袋,躬腰曲背,必恭必敬,好象他背上负着的就是整个苍穹,因为在他看来,这只口袋里装满了白雪皑皑的山峰,春水滔滔的江河和月光皎皎的夏夜。

Ling n'était pas né pour courir les routes au côté d'un vieil homme qui s'emparait de l'aurore et captait le crépuscule. Son père était changeur d'or ; sa mère était l'unique enfant d'un mar-chand de jade qui lui avait légué ses biens en la maudissant parce qu'elle n'était pas un fils. Ling avait grandi dans une maison d'où la riches-se éliminait les hasards. Cette existence soigneuse-ment calfeutrée l'avait rendu timide : il craignait les insectes, le tonnerre et le visage des morts. Quand il eut quinze ans, son père lui choisit une épouse et la prit très belle, car l'idée du bonheur qu'il procurait à son fils le consolait d'avoir atteint l'âge où la nuit sert à dormir. L'épouse de Ling était frêle comme un roseau, enfantine comme du lait, douce comme la salive, salée comme les larmes. Après les noces, les parents de Ling poussèrent la discrétion jusqu'à mourir, et leur fils resta seul dans sa maison peinte de cinabre, en compagnie de sa jeune femme, qui souriait sans cesse, et d'un prunier qui chaque printemps donnait des fleurs roses. Ling aima cette femme au cour limpide comme on aime un miroir qui ne se ternirait pas, un talisman qui protégerait toujours. Il fréquentait les maisons de thé pour obéir à la mode et favorisait modérément les acrobates et les danseuses.

林可不是生来就跟着这位饱览黎明和黄昏景色的老头到处流浪的人。他的父亲是做黄金买卖的,母亲是位玉器商人的独生女,他的外祖父尽管抱怨他母亲不是个男孩,却仍然把全部财产遗留给了她。林就在这样一个富有舒适的家庭中长大。娇生惯养的生活使他成为一个胆小的人;他害怕昆虫、雷电,怕看死人的面孔。当林十五岁的时候,他父亲给他挑了房媳妇这媳妇,长得可美了。老头子想到,自己已到了夜晚只能用来睡觉的年纪,能为儿子安排好幸福的生活,也就深感安慰了。林的妻子娇弱似芦苇、稚嫩如乳汁、甜得象口水、咸得似眼泪。儿子成亲之后,做父母的似乎都很谨慎知趣,竟然双双弃世。于是在那朱红色的庭院里,陪伴着林的便只有他那位总是带着微笑的年轻妻子和一棵每逢春天便红花盛开的梅树。林喜爱这位心地纯洁的女人,就象人们喜好一面从不褪色的镜子或一道永保吉祥的护身符一样。为了附和当时的风尚,他也常去坐坐茶馆,对那些卖艺者和舞女,显得颇为厚道。

Une nuit, dans une taverne, il eut Wang-Fô pour compagnon de table. Le vieil homme avait bu pour se mettre en état de mieux peindre un ivrogne ; sa tête penchait de côté, comme s'il s'ef-forçait de mesurer la distance qui séparait sa main de sa tasse. L'alcool de riz déliait la langue de cet artisan taciturne, et Wang ce soir-là parlait comme si le silence était un mur, et les mots des couleurs destinées à le couvrir. Grâce à lui, Ling connut la beauté des faces de buveurs estompées par la fumée des boissons chaudes, la splendeur brune des viandes inégalement léchées par les coups de langue du feu, et l'exquise roseur des taches de vin parsemant les nappes comme des pétales fanés. Un coup de vent creva la fenêtre ; l'averse entra dans la chambre. Wang-Fô se pencha pour faire admirer à Ling la zébrure livide de l'éclair, et Ling, émerveillé, cessa d'avoir peur de l'orage.

某天晚上,在小酒店里,林和王佛正好同席。老画家为了能更好地描绘一个醉汉,也来酒店喝酒。他偏着头,似乎在认真地测量着自己的手和酒杯之间的距离。米酒打开了这个沉默寡言的艺术家的话匣子。那天晚上,王佛话可多了,好象沉默是一堵墙,而他的话就是用来覆盖这道墙的各种颜色。由于老画家的指点,林发现了喝酒的人被热酒的腾腾烟雾晕化的面孔上所具有的那种美,发现了被火舌轻重不匀地舔摸过的酱色肉块的光泽。还有那桌布上的酒渍,状如凋谢的花瓣,现出一种雅致的玫瑰红色。一阵狂风吹破窗纸,暴雨飘进了室内。王佛俯身指点林观赏那一道道青灰色的闪电。林惊叹不已,从此他不再害怕暴风雨了。

Ling paya l'écot du vieux peintre : comme Wang-Fô était sans argent et sans hôte, il lui offrit humblement un gîte. Ils firent route ensemble ; Ling tenait une lanterne ; sa lueur projetait dans les flaques des feux inattendus. Ce soir-là, Ling apprit avec surprise que les murs de sa maison n'étaient pas rouges, comme il l'avait cru, mais qu'ils avaient la couleur d'une orange prête à pourrir. Dans la cour, Wang-Fô remarqua la forme délicate d'un arbuste, auquel personne n'avait prêté attention jusque-là, et le compara à une jeune femme qui laisse sécher ses cheveux. Dans le couloir, il suivit avec ravissement la marche hésitante d'une fourmi le long des crevas-ses de la muraille, et l'horreur de Ling pour ces bestioles s'évanouit. Alors, comprenant que Wang-Fô venait de lui faire cadeau d'une âme et d'une perception neuves, Ling coucha respectueusement le vieillard dans la chambre où ses père et mère étaient morts.

林替老画家会了酒账,因为王佛一文不名,无处安身,林便谦恭地邀他去自己家住宿。他们一同上路,林提着灯笼,灯光突然时不时地照亮了一个个水坑。就在这天晚上,林惊奇地发现:自家房屋的墙壁,根本不象他以前所认为的那样是红色的,而是象快要腐烂了的桔子那样的颜色。在院子里,王佛发现了一簇姿态轻盈的小油木,并把它比喻为一位正在晾干自己长发的妙龄女郎,可是以往却没有人留意过它。在走廊里,老画家出神地望着一只蚂蚁沿着墙壁的裂缝迟疑不定地向前爬行,林对于这些小虫子的嫌恶便也顿时化为乌有。于是,林领悟到:王佛适才送给了他一颗全新的灵魂和一种全新的感觉。他满怀敬意地把老人安顿在自己双亲去世前居住的房间里。

Depuis des années, Wang-Fô rêvait de faire le portrait d'une princesse d'autrefois jouant du luth sous un saule. Aucune femme n'était assez irréelle pour lui servir de modèle, mais Ling pouvait le faire, puisqu'il n'était pas une femme. Puis Wang-Fô parla de peindre un jeune prince tirant de l'arc au pied d'un grand cèdre. Aucun jeune homme du temps présent n'était assez irréel pour lui servir de modèle, mais Ling fit poser sa propre femme sous le prunier du jardin. Ensuite, Wang-Fô la peignit en costume de fée parmi les nuages du couchant, et la jeune femme pleura, car c'était un présage de mort. Depuis que Ling lui préférait les portraits que Wang-Fô faisait d'elle, son visage

se flétris-sait, comme la fleur en butte au vent chaud ou aux pluies d'été. Un matin, on la trouva pendue aux branches du prunier rose: les bouts de l'écharpe qui l'étranglait flottaient mêlés à sa chevelure ; elle paraissait plus mince encore que d'habitude, et pure comme les belles célébrées par les poètes des temps révolus. Wang-Fô la peignit une dernière fois, car il aimait cette teinte verte dont se recouvre la figure des morts. Son disciple Ling broyait les couleurs, et cette besogne exigeait tant d'application qu'il oubliait de verser des larmes.

多年来王佛一直梦想着作一幅在柳树下弹琴的古代公主的画像。可是没有任何一位妇女可以充当他理想的模特儿,然而林却可以,因为他不是女人。后来王佛还谈到想画一个立在大雪松下面挽弓射箭的青年王子。可是,在当时,也没有一个年青人可以充当他理想的模特儿,林就让他自己的妻子立在花园里的梅树下当了模特儿。后来王佛又把她画成一位穿着仙女衣裳出现在晚霞之中的美人。年青的女人哭了,因为这是死亡的预兆。自从林爱王佛为她作的画像胜过爱她本人以来,她的形容就日渐枯搞,好似一朵鲜花,因为热风和暴雨的打击而凋谢了。一天早晨,人们发现她吊死在正开着粉红色花朵的梅树枝上,用来自缢的带子的结尾和她的长发交织在一起在空中飘荡;她显得比平常更为苗条,纯洁得象古代诗人们所赞颂的绝代佳人。王佛给她作了最后一幅画,因为他喜爱呈现在死者脸上的那种青绿色彩。他的徒弟林赶忙替他调色,这工作要求他那么聚精会神,使他忘记了为自己的亡妻流泪。

Ling vendit successivement ses esclaves, ses jades et les poissons de sa fontaine pour procurer au maître des pots d'encre pourpre qui venaient d'Occident. Quand la maison fut vide, ils la quit-tèrent, et Ling ferma derrière lui la porte de son passé. Wang-Fô était las d'une ville où les visages n'avaient plus à lui apprendre aucun secret de laideur ou de beauté, et le maître et le disciple vagabondèrent ensemble sur les routes du royau-me de Han.

为了替他的老师购买从西域运来的一罐又一罐的紫色颜料,林陆续卖掉了自己的奴仆,玉器和池塘里养的鱼。等到屋里四壁皆空时,他们便离开了这个家,林就这样告别了他的过去。王佛对这个城市也已经感到厌倦,因为这儿人们的面孔再也不能告诉他任何美或丑的奥秘。于是师徒俩便在汉王国的通都大道上飘泊流浪。

Leur réputation les précédait dans les villages, au seuil des châteaux forts et sous le porche des temples où les pèlerins inquiets se réfugient au crépuscule. On disait que Wang-Fô avait le pouvoir de donner la vie à ses peintures par une dernière touche de couleur qu'il ajoutait à leurs yeux. Les fermiers venaient le supplier de leur peindre un chien de garde, et les seigneurs voulaient de lui des images de soldats. Les prêtres honoraient Wang-Fô comme un sage ; le peuple le craignait comme un sorcier. Wang se réjouissait de ces différences d'opinions qui lui permettaient d'étudier autour de lui des expressions de gratitu-de, de peur, ou de vénération.

他们的名声,先于他们本人传遍了乡村、寨堡和那些匆忙的香客黄昏时栖宿的寺庙。人们流传说:只要王佛在他画中人物的眼睛上加上最后一笔色彩,便能使这些人物变成活人活物。庄稼人来求他给他们画一条看家狗,达官贵人则要他画一些士兵。僧道敬王佛为贤哲,老百姓畏画家如巫师。王佛对这些不同的议论感到十分开心,因为这样可以使他研究周围人们的感激,害怕或敬仰等各种不同的表情。

Ling mendiait la nourriture, veillait sur le sommeil du maître et profitait de ses extases pour lui masser les pieds. Au point du jour, quand le vieux dormait encore, il partait à la chasse de paysages timides dissimulés derrière des bouquets de roseaux. Le soir, quand le maître, découragé, jetait ses pinceaux sur le sol, il les ramassait. Lorsque Wang était triste et parlait de son grand âge,

Ling lui montrait en souriant le tronc solide d'un vieux chêne ; lorsque Wang était gai et débitait des plaisanteries, Ling faisait humblement semblant de l'écouter.

林沿门乞食来供奉师傅;师傅睡觉,他就守在旁边,师傅出神的时候,他就趁机替老画家按摩双腿。天刚破晓,老人还未睡醒时,林便跑出去寻访那羞怯地隐藏在芦苇丛后的景物。晚上,当师傅心灰意懒,把画笔扔到地上的时候,林赶忙把它捡起来。当王佛感到忧伤谈到自己年事已高时,林便微笑着把一株老橡树的结实的躯干指给他师傅看。当王佛兴致上来谈笑风生的时候,林总是谦恭地装做认真聆听的样子。

Un jour, au soleil couchant, ils atteignirent les faubourgs de la ville impériale, et Ling chercha pour Wang-Fô une auberge où passer la nuit. Le vieux s'enveloppa dans des loques, et Ling se coucha contre lui pour le réchauffer, car le prin-temps venait à peine de naître, et le sol de terre battue était encore gelé. A l'aube, des pas lourds retentirent dans les corridors de l'auberge ; on entendit les chuchotements effrayés de l'hôte, et des commandements criés en langue barbare. Ling frémit, se souvenant qu'il avait volé la veille un gâteau de riz pour le repas du maître. Ne doutant pas qu'on ne vînt l'arrêter, il se demanda qui aiderait demain Wang-Fô à passer le gué du prochain fleuve.

一天,他们正好在夕阳西下时分到达了京城的近郊。林为王佛找了一家旅舍过夜。老人身裹破衣,林紧挨他躺着好使师傅暖和一点。因为这时春天刚刚来临,脚下的泥土仍未解冻。黎明,客店走道上响起沉重的脚步声,又听见客店老板惊恐的低语声和粗声粗气的命令声。林吓得发抖,因为他想起头天晚上曾经偷过一块米饼给师傅当饭吃。现在肯定是抓他来了,他心想:明天谁来帮助他师傅涉水渡过下一条河呢?

Les soldats entrèrent avec des lanternes. La flamme filtrant à travers le papier bariolé jetait des lueurs rouges ou bleues sur leurs casques de cuir. La corde d'un arc vibrait sur leur épaule, et les plus féroces poussaient tout à coup des rugis-sements sans raison. Ils posèrent lourdement la main sur la nuque de Wang-Fô, qui ne put s'empêcher de remarquer que leurs manches n'étaient pas assorties à la couleur de leur man-teau. 士兵们提着灯笼冲了进来,烛焰透过五颜六色的糊灯纸在士兵们的皮盔上反射出红色和绿色的闪光。弓弦在他们的肩头震响,那些穷凶极恶的士兵突然发出无端的吼叫。他们粗暴地抓住王佛的脖子,可这并没妨碍老画家,他发现士兵们衣袖的颜色和他们外衣的颜色是不协调的。

Soutenu par son disciple, Wang-Fô suivit les soldats en trébuchant le long des routes inégales. Les passants attroupés se gaussaient de ces deux criminels qu'on menait sans doute décapiter. A toutes les questions de Wang, les soldats répon-daient par une grimace sauvage. Ses mains ligotées souffraient, et Ling désespéré regardait son maître en souriant, ce qui était pour lui une façon plus tendre de pleurer.

王佛在徒弟的搀扶下,踉踉跄跄地跟着士兵在高低不平的路上走着。聚拢来的过路人都嘲笑这两个大概要带去杀头的罪犯,对王佛提出的所有问题,士兵们都用狰狞的鬼脸来作答。画家的手被搁了起来,痛得厉害,林心中虽然十分难过,但他却望着他师傅微笑,对他来说,这乃是一种较为婉转的哭泣方式。

Ils arrivèrent sur le seuil du palais impérial, dont les murs violets se dressaient en plein jour comme un pan de crépuscule. Les soldats firent franchir à Wang-Fô d'innombrables salles carrées

ou circulaires dont la forme symbolisait les saisons, les points cardinaux, le mâle et la femelle, la longévité, les prérogatives du pouvoir. Les portes tournaient sur elles-mêmes en émettant une note de musique, et leur agencement était tel qu'on parcourait toute la gamme en traversant le palais de l'Est au Couchant.

他们到了皇宫门口,紫色的围墙耸立在阳光下宛如一片彩霞。士兵们领着王佛穿过无数方形和圆形的殿堂。这些殿堂的形式分别象征着四季、四方、阴阳、长寿和权力。宫门都是自动开关,转动时会发出乐音,它们的布置是如此巧妙,如果人们从宫殿的东头走到西头,就可以听到全部音阶的乐音。

Tout se concertait pour donner l'idée d'une puissance et d'une subti-lité surhumaines, et l'on sentait que les moindres ordres prononcés ici devaient être définitifs et terribles comme la sagesse des ancêtres. Enfin, l'air se raréfia ; le silence devint si profond qu'un supplicié même n'eût pas osé crier. Un eunuque souleva une tenture ; les soldats tremblèrent comme des femmes, et la petite troupe entra dans la salle où trônait le Fils du Ciel.

这儿一切都安排得调和得体,给人一种特别威严和精巧的印象。人们觉得从这儿发出的哪怕是一些最次要的命令,也会象祖宗留下的训诲一样,是决定性的和令人生畏的。总之,这儿空气稀薄,周围深沉寂静到了这种地步,就连受刑者本人也不敢高声叫喊。一名太监掀开了门帘,士兵们象女人一样发起抖来。他们带着王佛走进大殿,天子正高高在上的坐在他的宝座上。

C'était une salle dépourvue de murs, soutenue par d'épaisses colonnes de pierre bleue. Un jardin s'épanouissait de l'autre côté des fûts de marbre, et chaque fleur contenue dans ses bosquets appar-tenait à une espèce rare apportée d'au-delà les océans. Mais aucune n'avait de parfum, de peur que la méditation du Dragon Céleste ne fût troublée par les bonnes odeurs. Par respect pour le silence où baignaient ses pensées, aucun oiseau n'avait été admis à l'intérieur de l'enceinte, et on en avait même chassé les abeilles. Un mur énorme séparait le jardin du reste du monde, afin que le vent, qui passe sur les chiens crevés et les cadavres des champs de bataille, ne pût se permettre de frô-ler la manche de l'Empereur. 这个大殿没有墙壁,全是由高大的蓝色石柱支撑着。在大理石柱子的尽头有一座百花盛开的花园,花丛中的每一种花都是从海外运来的名贵罕见的品种,但是没有一种花是有香味的,怕的是香味会扰乱神龙天子的沉思。为了保持皇帝思索时所需要的寂静,皇宫之内,连一只鸟雀也不得让它飞进,甚至连蜜蜂也要赶走。一堵高墙把花园和外界隔离开来,免得那些掠过死狗和战场上尸骨的风再来吹拂皇帝的衣袖。

Le Maître Céleste était assis sur un trône de jade, et ses mains étaient ridées comme celles d'un vieillard, bien qu'il eût à peine vingt ans. Sa robe était bleue pour figurer l'hiver, et verte pour rappeler le printemps. Son visage était beau, mais impassible comme un miroir placé trop haut qui ne refléterait que les astres et l'implacable ciel. Il avait à sa droite son Ministre des Plaisirs Parfaits, et à sa gauche son Conseiller des Justes Tour-ments. Comme ses courtisans, rangés au pied des colonnes, tendaient l'oreille pour recueillir le moindre mot sorti de ses lèvres, il avait pris l'habitude de parler toujours à voix basse. 天子坐在一张玉石宝座上。虽然他才刚刚二十岁,可他的手却象一双老人的手那样已经满是皱纹。他穿着蓝、绿两色的皇袍,蓝色象征冬天,绿色表示春天。他的面孔俊美,可是毫无表情,就象一面高悬的镜子,只照见星辰和冷漠的天空。右边立着他的娱乐大臣,左首站着他的司法大臣。朝臣们都列队侍立在石柱脚上,张着耳朵留神聆听从皇帝嘴里吐出的只

言片语,所以,皇帝养成了总是低声说话的习惯。

- Dragon Céleste, dit Wang-Fô prosterné, je suis vieux, je suis pauvre, je suis faible. Tu es comme l'été ; je suis comme l'hiver. Tu as Dix Mille Vies ; je n'en ai qu'une, et qui va finir. Que t'ai-je fait? On a lié mes mains, qui ne t'ont jamais nui. “陛下,”王佛跪着说道,“小民是一个老头,一个穷人,一个弱小的人。陛下好比盛夏;小民好比寒冬。陛下万寿无疆,小民命薄如纸;而且行将就木。小民实在不知何事冒犯了圣上竟至双手被缚,小民可从来未做过伤害陛下之事。”

- Tu me demandes ce que tu m'as fait, vieux Wang-Fô ? dit l'Empereur.

“老王佛,你想知道你到底何事触犯了寡人吗?”皇帝开口说话了。

Sa voix était si mélodieuse qu'elle donnait envie de pleurer. Il leva sa main droite, que les reflets du pavement de jade faisaient paraître glauque comme une plante sous-marine, et Wang-Fô, émerveillé par la longueur de ces doigts minces, chercha dans ses souvenirs s'il n'avait pas fait de l'Empereur, ou de ses ascendants, un portrait médiocre qui mériterait la mort. Mais c'était peu probable, car Wang-Fô jusqu'ici avait peu fréquenté la cour des empereurs, lui préférant les huttes des fermiers, ou, dans les villes, les faubourgs des courtisanes et les tavernes le long des quais où se querellent les portefaix.

皇帝的声音那么悦耳,使人听了就想流泪。他举起右手,玉石地面的反光使他的手显以海蓝色,活象一种海底植物。王佛看见这些瘦长的手指,惊叹得很,他回忆自己是否曾经为皇帝本人或他的父皇画过一幅不怎么高明的画像,因而罪该一死。但是,这是不可能的。因为王佛活到现在,很少和帝王的宫廷来往,他更喜欢去的地方是乡衬里庄稼汉的茅屋,城镇郊区妓女居住的场所和码头边脚夫们吵嘴骂架的小酒馆。

- Tu me demandes ce que tu m'as fait, vieux Wang-Fô ? reprit l'Empereur en penchant son cou grêle vers le vieil homme qui l'écoutait. Je vais te le dire. Mais, comme le venin d'autrui ne peut se glisser en nous que par nos neuf ouvertures, pour te mettre en présence de tes torts, je dois te promener le long des corridors de ma mémoire, et te raconter toute ma vie. Mon père avait rassemblé une collection de tes peintures dans la chambre la plus secrète du palais, car il était d'avis que les personnages des tableaux doivent être soustraits à la vue des profanes, en présence de qui ils ne peuvent baisser les yeux. C'est dans ces salles que j'ai été élevé, vieux Wang-Fô, car on avait organisé autour de moi la solitude pour me permettre d'y grandir. Pour éviter à ma candeur l'éclaboussure des âmes humaines, on avait éloi-gné de moi le flot agité de mes sujets futurs, et il n'était permis à personne de passer devant mon seuil, de peur que l'ombre de cet homme ou de cette femme ne s'étendît jusqu'à moi. Les quelques vieux serviteurs qu'on m'avait octroyés se montraient le moins possible ; les heures tour-naient en cercle ; les couleurs de tes peintures s'avivaient avec l'aube et pâlissaient avec le crépuscule. La nuit, quand je ne parvenais pas à dormir, je les regardais, et, pendant près de dix ans, je les ai regardées toutes les nuits. Le jour, assis sur un tapis dont je savais par cœur le dessin, reposant mes paumes vides sur mes genoux de soie jaune, je rêvais aux joies que me procurerait l'ave-nir. Je me représentais le monde, le pays de Han au milieu, pareil à la plaine monotone et creuse de la main que sillonnent les lignes fatales des Cinq Fleuves. Tout autour, la mer où naissent les mons-tres, et, plus loin encore, les montagnes qui supportent le ciel. Et, pour m'aider à me représen-ter toutes ces choses, je me

servais de tes peintu-res. Tu m'as fait croire que la mer ressemblait à la vaste nappe d'eau étalée sur tes toiles, si bleue qu'une pierre en y tombant ne peut que se chan-ger en saphir, que les femmes s'ouvraient et se refermaient comme des fleurs, pareilles aux créa-tures qui s'avancent, poussées par le vent, dans les allées de tes jardins, et que les jeunes guerriers à la taille mince qui veillent dans les forteresses des frontières étaient eux-mêmes des flèches qui pouvaient vous transpercer le cœur. A seize ans, j'ai vu se rouvrir les portes qui me séparaient du monde : je suis monté sur la terrasse du palais pour regarder les nuages, mais ils étaient moins beaux que ceux de tes crépuscules. J'ai commandé ma litière : secoué sur des routes dont je ne prévoyais ni la boue ni les pierres, j'ai parcouru les provinces de l'Empire sans trouver tes jardins pleins de femmes semblables à des lucioles, tes femmes dont le corps est lui-même un jardin. Les cailloux des rivages m'ont dégoûté des océans ; le sang des suppliciés est moins rouge que la grena-de figurée sur tes toiles ; la vermine des villages m'empêche de voir la beauté des rizières ; la chair des femmes vivantes me répugne comme la viande morte qui pend aux crocs des bouchers, et le rire épais de mes soldats me soulève le coeur. Tu m'as menti, Wang-Fô, vieil imposteur : le monde n'est qu'un amas de taches confuses, jetées sur le vide par un peintre insensé, sans cesse effacées par nos larmes. Le royaume de Han n'est pas le plus beau des royaumes, et je ne suis pas l'Empe-reur. Le seul empire sur lequel il vaille la peine de régner est celui où tu pénètres, vieux Wang, par le chemin des Mille Courbes et des Dix Mille Couleurs. Toi seul règnes en paix sur des monta-gnes couvertes d'une neige qui ne peut fondre, et sur des champs de narcisses qui ne peuvent pas mourir. Et c'est pourquoi, Wang-Fô, j'ai cherché quel supplice te serait réservé, à toi dont les sorti-lèges m'ont dégoûté de ce que je possède, et donné le désir de ce que je ne posséderai pas. Et pour t'enfermer dans le seul cachot dont tu ne puisses sortir, j'ai décidé qu'on te brûlerait les yeux, puisque tes yeux, Wang-Fô, sont les deux portes magiques qui t'ouvrent ton royaume. Et puisque tes mains sont les deux routes aux dix embranche-ments qui te mènent au cour de ton empire, j'ai décidé qu'on te couperait les mains. M'as-tu compris, vieux Wang-Fô ? “你想知道你何事冒犯了寡人吗?王老头?” 皇帝朝着正在听自己说话的老画家伸出细长的脖子又问了一句。“孤来告诉你吧。不过,为了让你明白你自己的过错,孤得带你走过回忆的长廊,把寡人的一生说给你听听,因为别人的毒汁只有通过我们自身的九窍才能渗入我们体内。我的父亲曾经在皇宫中最隐秘的一间屋子里收藏了你的一些画。他认为画中人物忌讳凡夫俗子的目光,因为画中人物不能在凡夫俗子面前低垂自己的眼睛。王老头,孤就是在这些宫殿里养大的,人们在孤周围安排了一种静寂孤独的环境,好让孤在其中长大成人。为了避免凡人的俗气玷污孤的赤子之心,他们让孤远离那些象滔滔洪流似的未来的臣民。谁也不许从孤门前经过,人们害怕某个男人或女人的阴影会伸展到孤身上。甚至几个差拨给寡人的老仆也极少在我跟前露面。昼夜循环,你画面上的那些颜色白天鲜艳明快,晚上暗淡无光。夜晚,当孤不能成眠的时候,孤就总是观看你那些画。将近十年之久,孤每晚都看着你的画。白天我坐在地毯上--毯子上的花样图形是孤早就熟记在心的--两只空手攀放在黄绸袍盖住的膝头上;梦想着未来为孤安排的种种欢乐。孤想象着外面的世界:处于世界中心的是大汉王国,象一只单调、平坦,略凹的巴掌,蜿蜒曲折的五条大河就象手掌上那些决定人们命运的掌纹。国土四周,大海环绕,海怪出没其间,大海之外,就是支撑着青天的高山。为了想象出所有这些事物,孤曾借助了你的画:你使孤以为大海就象你在画上展示的那样,是一片宽广的水面,海水蔚蓝,一块石头探下去就变成了蓝宝石;你使孤以为女人犹如鲜花,既会开放,又会合拢,有如你所画的仕女那样,沿着花园曲径,在和风的吹拂下,款步前行;你还使孤以为,那些守卫在边疆要塞里的身材修长的年轻武士,他们本身就是能一箭穿透你心脏的利箭。十六岁那年,我看到把孤与世隔绝的大门打开了。孤登上皇宫的平

台去观赏浮云,可是它们不及你画的晚霞美。寡人乘龙辇出游,一路上颠簸摇晃,孤既没事先料到路上的泥泞,也没料到有那么多石块,孤周游各省,都没找到你画中所画的到处都有象黄莺那样的美女的花园,也找不到你画中那样体态容貌就和一座花园似的女人。海边的石头使寡人厌烦了海洋;死囚受刑时流出来的血还不及你画布上的石榴红;农衬里的虱子臭虫使孤看不到稻田的秀美;尘世间女人的肌肤就象挂在屠夫肉案钓上的猪肉一样使寡人恶心。孤的士兵们粗笨的笑声使孤反感。王佛,你对孤撒了谎,你这名骗子。世界只不过是一位疯狂的画家在空间信手涂抹出来的一大摊混乱的墨渍,它经常被我们的眼泪所冲刷。汉王国并不是所有王国中最美的国家,孤也并非至高无上的皇帝。最值得统治的帝国只有一个,那就是你王老头通过成千的曲线和上万种颜色所进入的王国。只有你悠然自得地统治着那些覆盖着皑皑白雪终年不化的高山和那些遍地盛开着永不凋谢的水仙花的田野。因此,王佛,孤一直在捉摸哪一种刑罚施加于你才是合适的,因为你的魔法使孤讨厌自己所拥有的一切,而使孤渴望自己未曾获得的一切。为了把你打入你无法逃脱的唯一的黑牢里,寡人决定让人烧瞎你的双眼,既然你王佛的眼睛是让你进入你的王国的两扇神奇的大门。寡人还决定让人砍掉你的双手,既然你王佛的两只手是领你到达你那王国的心脏的,有着十条岔路的两条大道。老家伙,你现在听懂了寡人的意思了吗?”

En entendant cette sentence, le disciple Ling arracha de sa ceinture un couteau ébréché et se précipita sur l'Empereur. Deux gardes le saisirent. Le Fils du Ciel sourit et ajouta dans un soupir

一听到这个判决,画家的徒弟林就从腰间拨出一把缺了口的刀子扑向皇帝。两个卫士把他抓了起来。天子微微一笑,又叹了口气说:“孤恨你这个老家伙,还因为你晓得如何让人爱你。快把这个狗徒弟给寡人杀掉。”

- Et je te hais aussi, vieux Wang-Fô, parce que tu as su te faire aimer. Tuez ce chien. Ling fit un bond en avant pour éviter que son sang ne vînt tacher la robe du maître. Un des soldats leva son sabre, et la tête de Ling se détacha de sa nuque, pareille à une fleur coupée. Les serviteurs emportèrent ses restes, et Wang-Fô, désespéré, admira la belle tache écarlate que le sang de son disciple faisait sur le pavement de pierre verte. 林纵身往前一跳,免得他被及时流出来的血弄脏了师傅的袍子。一个卫兵举起了他的大刀,林的脑袋从他脖子上掉了下来,就好象一朵断了枝的鲜花。侍从们搬走了林的尸体,王佛虽然悲痛欲绝,却又情不白禁地欣赏起他徒弟留在绿石地面上的美丽猩红的血迹来了。皇帝作了一个手势,两名太监走过来擦了擦王佛的眼睛。

L'Empereur fit un signe, et deux eunuques essuyèrent les yeux de Wang-Fô.

- Écoute, vieux Wang-Fô, dit l'Empereur, et sèche tes larmes, car ce n'est pas le moment de pleurer. Tes yeux doivent rester clairs, afin que le peu de lumière qui leur reste ne soit pas brouillée par tes pleurs. Car ce n'est pas seulement par rancune que je souhaite ta mort ; ce n'est pas seulement par cruauté que je veux te voir souffrir. J'ai d'autres projets, vieux Wang-Fô. Je possède dans ma collection de tes oeuvres une peinture admirable où les montagnes, l'estuaire des fleuves et la mer se reflètent, infiniment rapetissés sans doute, mais avec une évidence qui surpasse celle des objets eux-mêmes, comme les figures qui se mirent sur les parois d'une sphère. Mais cette peinture est inachevée, Wang-Fô, et ton chef-d'oeuvre est à l'état d'ébauche. Sans doute, au moment où tu peignais, assis dans une vallée soli-taire, tu remarquas un oiseau qui passait, ou un enfant qui poursuivait cet oiseau. Et le bec de l'oi-seau ou les joues de l'enfant t'ont fait oublier les paupières

bleues des flots. Tu n'as pas terminé les franges du manteau de la mer, ni les cheveux d'al-gues des rochers. Wang-Fô, je veux que tu consacres les heures de lumière qui te restent à finir cette peinture, qui contiendra ainsi les derniers secrets accumulés au cours de ta longue vie. Nul doute que tes mains, si près de tomber, ne trembleront sur l'étoffe de soie, et l'infini pénétre-ra dans ton ouvre par ces hachures du malheur. Et nul doute que tes yeux, si près d'être anéantis, ne découvriront des rapports à la limite des sens humains. Tel est mon projet, vieux Wang-Fô, et je puis te forcer à l'accomplir. Si tu refuses, avant de t'aveugler, je ferai brûler toutes tes oeuvres, et tu seras alors pareil à un père dont on a massacré les fils et détruit les espérances de postérité. Mais crois plutôt, si tu veux, que ce dernier commande-ment n'est qu'un effet de ma bonté, car je sais que la toile est la seule maîtresse que tu aies jamais caressée. Et t'offrir des pinceaux, des couleurs et de l'encre pour occuper tes dernières heures, c'est faire l'aumône d'une fille de joie à un homme qu'on va mettre à mort. “老王佛,你听着。”皇帝说,“擦干你的眼泪,因为现在不是哭鼻子的时候。你的眼睛还得继续保持明亮,别让泪水模糊了你的视线。孤要把你处死,并非只是出于憎恨,孤想看你受苦,也不单是出于残忍。王老头,寡人还有别的打算,在孤所收藏的你的作品里,有一幅奇妙的名画,画中的高山、港湾和大海交相辉映,当然它们的尺寸都是被大大缩小了的,但其真实性却胜过原物本身,就好象照在球面镜上的形象那样。不过,这幅画是没有画完的,王佛,你的杰作还是一部半成品。很可能你是坐在一个幽静的山谷里画这幅画的,当你正在画着的时候,你大概发现了一只飞鸟,或者是一个小孩正在追捕这只小鸟。而这只鸟儿的嘴或这孩子的脸蛋使得你忘记了那好似蓝色眼睑的海浪。你既没有画完大海外衣上的流苏,也没有画完礁石上毛发般的海藻。王佛,孤要你把留给你的眼睛还看得见的时间来完成这幅画。这样一来,它就会把你漫长一生中所积累起来的最奥秘的本领都体现出来了。毫无疑问,你那快要被砍断的双手会在绢轴上发抖的,这样一来,无限的意境将会通过这些不幸的影线而进入你的作品之中。毫无疑问,你那双快要被弄瞎的眼睛将会在人的感觉的极限之内发现事物之间的比例关系。老王佛,这是寡人的打算,寡人能迫使你完成它。你如果拒绝,那么在把你眼睛弄瞎之前,孤将令人烧掉你全部的作品,那时,你就会象一个所有的孩子都被人杀死了的父亲,断绝了传宗接代的希望。不过,你要知道,这最后的一道命令是孤的一片好心,因为孤知道画布乃是你过去爱抚过的唯一。孤现在赏给你笔、墨和颜色让你消磨最后的光阴,就好比把一名妓女赏给一个就要判处死刑的男人一样。”

Sur un signe du petit doigt de l'Empereur, deux eunuques apportèrent respectueusement la peintu-re inachevée où Wang-Fô avait tracé l'image de la mer et du ciel. Wang-Fô sécha ses larmes et sourit, car cette petite esquisse lui rappelait sa jeunesse. Tout y attestait une fraîcheur d'âme à laquelle Wang-Fô ne pouvait plus prétendre, mais il y manquait cependant quelque chose, car à l'époque où Wang l'avait peinte, il n'avait pas encore assez contemplé de montagnes, ni de rochers baignant dans la mer leurs flancs nus, et ne s'était pas assez pénétré de la tristesse du crépuscule. Wang-Fô choisit un des pinceaux que lui présentait un esclave et se mit à étendre sur la mer inachevée de larges coulées bleues. Un eunuque accroupi à ses pieds broyait les couleurs ; il s'acquittait assez mal de cette besogne, et plus que jamais Wang-Fô regretta son disciple Ling. 皇帝用小指头作了一个手势,两个太监恭恭敬敬地把王佛勾有大海和蓝天形象但尚未画完的画幅拿了出来。王佛掠干了眼泪,微笑起来,因为这小小的画稿使他想起了自己的青春。整幅画表现出一种清新的意境,这是王佛后来再也不能企及的了。然而画上的确少了某些东西,因为在王佛作这幅画的时期,他观赏的崇山峻岭和濒临大海的悬岩峭壁还不够多,对于黄昏使人产生的惆怅之感,体会也很不深刻。王佛从一名仆从递给他的画笔中挑了一支,就

开始在那未画完的大海上抹上了大片大片代表海水的蓝颜色。一名太监蹲在他脚下替他磨墨调色,但这种差事他干得相当笨拙,因而王佛这时比过去任何时候都更加怀念他的弟子林了。

Wang commença par teinter de rose le bout de l'aile d'un nuage posé sur une montagne. Puis il ajouta à la surface de la mer de petites rides qui ne faisaient que rendre plus profond le sentiment de sa sérénité. Le pavement de jade devenait singuliè-rement humide, mais Wang-Fô, absorbé dans sa peinture, ne s'apercevait pas qu'il travaillait assis dans l'eau. 王佛又开始给山顶上一片浮云的翼角涂上粉红色,然后,他又在海面补画上一些小小的波纹,加深了大海的宁静感。奇怪得很,皇帝的玉石地面这时忽然变得潮湿起来,可是,王佛正全神贯注在创作上,并未发觉自已是双脚站在水里作画。

Le frêle canot grossi sous les coups de pinceau du peintre occupait maintenant tout le premier plan du rouleau de soie. Le bruit cadencé des rames s'éleva soudain dans la distance, rapide et vif comme un battement d'aile. Le bruit se rappro-cha, emplit doucement toute la salle, puis cessa, et des gouttes tremblaient, immobiles, suspendues aux avirons du batelier. Depuis longtemps, le fer rouge destiné aux yeux de Wang s'était éteint sur le brasier du bourreau. Dans l'eau jusqu'aux épaules, les courtisans, immobilisés par l'étiquette, se soulevaient sur la pointe des pieds. L'eau attei-gnit enfin au niveau du ccxur impérial. Le silence était si profond qu'on eût entendu tomber des larmes. C'était bien Ling. Il avait sa vieille robe de tous les jours, et sa manche droite portait encore les traces d'un accroc qu'il n'avait pas eu le temps de réparer, le matin, avant l'arrivée des soldats. Mais il avait autour du cou une étrange écharpe rouge. 一叶扁舟在画家的笔下逐渐变大,现在这小舟已占据了这幅画的全部近景,远处突然响起了有节奏的荡桨声,急速轻快,有如鸟儿鼓翅。浆声越来越近,慢慢地响彻整个大殿,接着桨声虽然中止,附在船夫桨柄上的水珠还在颤动哩!原来已经烧得通红的用来烫瞎王佛眼睛的烙铁早已在刽子手们的火盆中冷却了。朝臣们在深齐肩头的大水中慑于礼仪不敢动弹,只得把自己的脚尖踮起来。最后大水终于涨到了皇帝的心口,殿中仍是那样的静寂,甚至听见了有人掉眼泪的声音。果然是林站在那儿,他仍然披着往常那件旧袍,右边的袖子还有几处挂破了的地方,因为那天早上,在士兵们抓捕他们之前,他没有来得及把破洞补上。但是他的脖子上却围着一条奇怪的红色围巾。

Wang-Fô lui dit doucement en continuant à peindre:

- Je te croyais mort.

- Vous vivant, dit respectueusement Ling, comment aurais-je pu mourir ?

Et il aida le maître à monter en barque. Le plafond de jade se reflétait sur l'eau, de sorte que Ling paraissait naviguer à l'intérieur d'une grotte. Les tresses des courtisans submergés ondulaient à la surface comme des serpents, et la tête pâle de l'Empereur flottait comme un lotus.

- Regarde, mon disciple, dit mélancoliquement Wang-Fô. Ces malheureux vont périr, si ce n'est déjà fait. Je ne me doutais pas qu'il y avait assez d'eau dans la mer pour noyer un Empereur.Que faire ?

- Ne crains rien, Maître, murmura le disciple. Bientôt, ils se trouveront à sec et ne se souvien-dront même pas que leur manche ait jamais été mouillée. Seul, l'Empereur gardera au cœur un peu d'amertume marine. Ces gens ne sont pas faits pour se perdre à l'intérieur d'une peinture.

Et il ajouta:

-La mer est belle, le vent bon, les oiseaux marins font leur nid. Partons, mon Maître, pour le pays au-delà des flots.

-Partons, dit le vieux peintre.

王佛一边继续作画一边亲切地对徒弟说:

“我还以为你死了哩。”

“您还活着。”林恭敬地问答说,“我怎么能死去呢?”

于是,他扶着师傅上了船。镶了玉石的天花板倒映在水里,林的船就好似在岩洞中航行。朝臣们没在水中,他们的辫子好象水蛇一样在水面飘游,皇帝苍白的脑袋则好象一朵莲花浮在水面。

“徒弟,你看,”王佛忧心忡忡地说,“这些不幸的人就要淹死了。虽然眼下还不是既成事实。我过去可没想到海里面有那么多水,能够把皇帝也淹死。现在可怎么办?”

“师傅,你什么也不必担心。”徒弟喃喃地说,“他们就会站到旱地上去的,不要多久,这些人甚至连他们的衣袖曾经泡湿过也会记不起来的。只有皇帝,他心里可能会留下一点海水的苦涩味道。这些人不是那种人物,是不会在一幅画中消失的。”

他又接着说道:“大海真美,海风和煦,海鸟正在筑巢。师傅,我们动身吧!到大海彼岸的那个地方去。”

“我们走吧!”老画家说。

Wang-Fô se saisit du gouvernail, et Ling se pencha sur les rames. La cadence des avirons emplit de nouveau toute la salle, ferme et régulière comme le bruit d'un coeur. Le niveau de l'eau diminuait insensiblement autour des grands rochers verticaux qui redevenaient des colonnes. Bientôt, quelques rares flaques brillèrent seules dans les dépressions du pavement de jade. Les robes des courtisans étaient sèches, mais l'Empe-reur gardait quelques flocons d'écume dans la frange de son manteau.

王佛掌舵,林俯身划桨。桨声重新响彻大殿,就象心脏跳动的声音那样,均称而有力。峭壁周围,水位不知不觉地减退,悬岩又重新交成了石柱。不久,就只剩下玉石地面的几处低洼地方还有很少的几摊水在闪闪发光。大臣们的朝服全都干了。只有皇帝大衣的流苏上还留着几朵浪花。

Le rouleau achevé par Wang-Fô restait posé sur la table basse. Une barque en occupait tout le premier plan. Elle s'éloignait peu à peu, laissant derrière elle un mince sillage qui se refermait sur la mer immobile. Déjà, on ne distinguait plus le visage des deux hommes assis dans le canot. Mais on apercevait encore l'écharpe rouge de Ling, et la barbe de Wang-Fô flottait au vent.

王佛完成的那幅画靠着帷幔放在那儿。一只小船占去了整个近景。小船渐渐驶远,船尾留下一条细长的航迹,随后连航迹也在平静的海面上消逝了。人们已经再也辨认不清坐在船上的师徒两个的面目,仅还能望见林的红色围巾,还有那在空中飘拂的王佛的胡须。

La pulsation des rames s'affaiblit, puis cessa, oblitérée par la distance. L'Empereur, penché en avant, la main sur les yeux, regardait s'éloigner la barque de Wang qui n'était déjà plus qu'une tache imperceptible dans la pâleur du crépuscule. Une buée d'or s'éleva et se déploya sur la mer. Enfin, la barque vira autour d'un rocher qui fermait l'en-trée du large ; l'ombre d'une falaise tomba sur elle ; le sillage s'effaça de la surface déserte, et le peintre Wang-Fô et son disciple Ling disparurent à jamais sur cette mer de jade bleu que Wang-Fô venait d'inventer.

桨声渐微,最后完全中止,因为距离太远,听不见了。皇帝俯身向前,手搭凉棚,望着王佛的小船越驶越远,在苍茫的暮色中变成了难以望见的一个黑点。一股金黄色的水气从海面升起并且弥漫开来。最后,小舟沿着一块封住海门的岩石转了弯,峭壁的阴影落在船上;船尾的航迹消失在那空旷的海面上。画家王佛和他的徒弟林便永远消失在刚刚由他自己制作的蓝天般的海洋里。

Marguerite YOURCENAR de l'Académie française

(刘君强 译)

《王佛脱险记》

Le vieux peintre Wang-Fô et son disciple Ling erraient le long des routes du royaume de Han. Ils avançaient lentement, car Wang-Fô s'arrê-tait la nuit pour contempler les astres, le jour pour regarder les libellules. Ils étaient peu chargés, car Wang-Fô aimait l'image des choses, et non les choses elles-mêmes, et nul objet au monde ne lui semblait digne d'être acquis, sauf des pinceaux, des pots de laque et d'encres de Chine, des rouleaux de soie et de papier de riz. Ils étaient pauvres, car Wang-Fô troquait ses peintures contre une ration de bouillie de millet et dédaignait les pièces d'argent. Son disciple Ling, pliant sous le poids d'un sac plein d'esquisses, cour-bait respectueusement le dos comme s'il portait la voûte céleste, car ce sac, aux yeux de Ling, était rempli de montagnes sous la neige, de fleuves au printemps, et du visage de la lune d'été.

老画家王佛和他的弟子林在汉王国的通衙大道上浪游。他们慢慢地朝前走着,因为王佛时常要停下来,白天端详蜻蜓,晚上仰观星辰。他们的行囊轻便。因为王佛爱的是物体的形象而不是物体本身。对画家说来,世界上除了画笔、墨瓶、漆罐、绢卷和宣纸以外、似乎再没有别的什么东西是值得占有的了。他们十分贫困因为王佛鄙视银钱,只用他的画来换取一顿小米粥充饥。他的弟子林背着一个装满了画稿的口袋,躬腰曲背,必恭必敬,好象他背上负着的就是整个苍穹,因为在他看来,这只口袋里装满了白雪皑皑的山峰,春水滔滔的江河和月光皎皎的夏夜。

Ling n'était pas né pour courir les routes au côté d'un vieil homme qui s'emparait de l'aurore et captait le crépuscule. Son père était changeur d'or ; sa mère était l'unique enfant d'un mar-chand de jade qui lui avait légué ses biens en la maudissant parce qu'elle n'était pas un fils. Ling avait grandi dans une maison d'où la riches-se éliminait les hasards. Cette existence soigneuse-ment calfeutrée l'avait rendu timide : il craignait les insectes, le tonnerre et le visage des morts. Quand il eut quinze ans, son père lui choisit une épouse et la prit très belle, car l'idée du bonheur qu'il procurait à son fils le consolait d'avoir atteint l'âge où la nuit sert à dormir. L'épouse de Ling était frêle comme un roseau, enfantine comme du lait, douce comme la salive, salée comme les larmes. Après les noces, les parents de Ling poussèrent la discrétion jusqu'à mourir, et leur fils resta seul dans sa maison peinte de cinabre, en compagnie de sa jeune femme, qui souriait sans cesse, et d'un prunier qui chaque printemps donnait des fleurs roses. Ling aima cette femme au cour limpide comme on aime un miroir qui ne se ternirait pas, un talisman qui protégerait toujours. Il fréquentait les maisons de thé pour obéir à la mode et favorisait modérément les acrobates et les danseuses.

林可不是生来就跟着这位饱览黎明和黄昏景色的老头到处流浪的人。他的父亲是做黄金买卖的,母亲是位玉器商人的独生女,他的外祖父尽管抱怨他母亲不是个男孩,却仍然把全部财产遗留给了她。林就在这样一个富有舒适的家庭中长大。娇生惯养的生活使他成为一个胆小的人;他害怕昆虫、雷电,怕看死人的面孔。当林十五岁的时候,他父亲给他挑了房媳妇这媳妇,长得可美了。老头子想到,自己已到了夜晚只能用来睡觉的年纪,能为儿子安排好幸福的生活,也就深感安慰了。林的妻子娇弱似芦苇、稚嫩如乳汁、甜得象口水、咸得似眼泪。儿子成亲之后,做父母的似乎都很谨慎知趣,竟然双双弃世。于是在那朱红色的庭院里,陪伴着林的便只有他那位总是带着微笑的年轻妻子和一棵每逢春天便红花盛开的梅树。林喜爱这位心地纯洁的女人,就象人们喜好一面从不褪色的镜子或一道永保吉祥的护身符一样。为了附和当时的风尚,他也常去坐坐茶馆,对那些卖艺者和舞女,显得颇为厚道。

Une nuit, dans une taverne, il eut Wang-Fô pour compagnon de table. Le vieil homme avait bu pour se mettre en état de mieux peindre un ivrogne ; sa tête penchait de côté, comme s'il s'ef-forçait de mesurer la distance qui séparait sa main de sa tasse. L'alcool de riz déliait la langue de cet artisan taciturne, et Wang ce soir-là parlait comme si le silence était un mur, et les mots des couleurs destinées à le couvrir. Grâce à lui, Ling connut la beauté des faces de buveurs estompées par la fumée des boissons chaudes, la splendeur brune des viandes inégalement léchées par les coups de langue du feu, et l'exquise roseur des taches de vin parsemant les nappes comme des pétales fanés. Un coup de vent creva la fenêtre ; l'averse entra dans la chambre. Wang-Fô se pencha pour faire admirer à Ling la zébrure livide de l'éclair, et Ling, émerveillé, cessa d'avoir peur de l'orage.

某天晚上,在小酒店里,林和王佛正好同席。老画家为了能更好地描绘一个醉汉,也来酒店喝酒。他偏着头,似乎在认真地测量着自己的手和酒杯之间的距离。米酒打开了这个沉默寡言的艺术家的话匣子。那天晚上,王佛话可多了,好象沉默是一堵墙,而他的话就是用来覆盖这道墙的各种颜色。由于老画家的指点,林发现了喝酒的人被热酒的腾腾烟雾晕化的面孔上所具有的那种美,发现了被火舌轻重不匀地舔摸过的酱色肉块的光泽。还有那桌布上的酒渍,状如凋谢的花瓣,现出一种雅致的玫瑰红色。一阵狂风吹破窗纸,暴雨飘进了室内。王佛俯身指点林观赏那一道道青灰色的闪电。林惊叹不已,从此他不再害怕暴风雨了。

Ling paya l'écot du vieux peintre : comme Wang-Fô était sans argent et sans hôte, il lui offrit humblement un gîte. Ils firent route ensemble ; Ling tenait une lanterne ; sa lueur projetait dans les flaques des feux inattendus. Ce soir-là, Ling apprit avec surprise que les murs de sa maison n'étaient pas rouges, comme il l'avait cru, mais qu'ils avaient la couleur d'une orange prête à pourrir. Dans la cour, Wang-Fô remarqua la forme délicate d'un arbuste, auquel personne n'avait prêté attention jusque-là, et le compara à une jeune femme qui laisse sécher ses cheveux. Dans le couloir, il suivit avec ravissement la marche hésitante d'une fourmi le long des crevas-ses de la muraille, et l'horreur de Ling pour ces bestioles s'évanouit. Alors, comprenant que Wang-Fô venait de lui faire cadeau d'une âme et d'une perception neuves, Ling coucha respectueusement le vieillard dans la chambre où ses père et mère étaient morts.

林替老画家会了酒账,因为王佛一文不名,无处安身,林便谦恭地邀他去自己家住宿。他们一同上路,林提着灯笼,灯光突然时不时地照亮了一个个水坑。就在这天晚上,林惊奇地发现:自家房屋的墙壁,根本不象他以前所认为的那样是红色的,而是象快要腐烂了的桔子那样的颜色。在院子里,王佛发现了一簇姿态轻盈的小油木,并把它比喻为一位正在晾干自己长发的妙龄女郎,可是以往却没有人留意过它。在走廊里,老画家出神地望着一只蚂蚁沿着墙壁的裂缝迟疑不定地向前爬行,林对于这些小虫子的嫌恶便也顿时化为乌有。于是,林领悟到:王佛适才送给了他一颗全新的灵魂和一种全新的感觉。他满怀敬意地把老人安顿在自己双亲去世前居住的房间里。

Depuis des années, Wang-Fô rêvait de faire le portrait d'une princesse d'autrefois jouant du luth sous un saule. Aucune femme n'était assez irréelle pour lui servir de modèle, mais Ling pouvait le faire, puisqu'il n'était pas une femme. Puis Wang-Fô parla de peindre un jeune prince tirant de l'arc au pied d'un grand cèdre. Aucun jeune homme du temps présent n'était assez irréel pour lui servir de modèle, mais Ling fit poser sa propre femme sous le prunier du jardin. Ensuite, Wang-Fô la peignit en costume de fée parmi les nuages du couchant, et la jeune femme pleura, car c'était un présage de mort. Depuis que Ling lui préférait les portraits que Wang-Fô faisait d'elle, son visage

se flétris-sait, comme la fleur en butte au vent chaud ou aux pluies d'été. Un matin, on la trouva pendue aux branches du prunier rose: les bouts de l'écharpe qui l'étranglait flottaient mêlés à sa chevelure ; elle paraissait plus mince encore que d'habitude, et pure comme les belles célébrées par les poètes des temps révolus. Wang-Fô la peignit une dernière fois, car il aimait cette teinte verte dont se recouvre la figure des morts. Son disciple Ling broyait les couleurs, et cette besogne exigeait tant d'application qu'il oubliait de verser des larmes.

多年来王佛一直梦想着作一幅在柳树下弹琴的古代公主的画像。可是没有任何一位妇女可以充当他理想的模特儿,然而林却可以,因为他不是女人。后来王佛还谈到想画一个立在大雪松下面挽弓射箭的青年王子。可是,在当时,也没有一个年青人可以充当他理想的模特儿,林就让他自己的妻子立在花园里的梅树下当了模特儿。后来王佛又把她画成一位穿着仙女衣裳出现在晚霞之中的美人。年青的女人哭了,因为这是死亡的预兆。自从林爱王佛为她作的画像胜过爱她本人以来,她的形容就日渐枯搞,好似一朵鲜花,因为热风和暴雨的打击而凋谢了。一天早晨,人们发现她吊死在正开着粉红色花朵的梅树枝上,用来自缢的带子的结尾和她的长发交织在一起在空中飘荡;她显得比平常更为苗条,纯洁得象古代诗人们所赞颂的绝代佳人。王佛给她作了最后一幅画,因为他喜爱呈现在死者脸上的那种青绿色彩。他的徒弟林赶忙替他调色,这工作要求他那么聚精会神,使他忘记了为自己的亡妻流泪。

Ling vendit successivement ses esclaves, ses jades et les poissons de sa fontaine pour procurer au maître des pots d'encre pourpre qui venaient d'Occident. Quand la maison fut vide, ils la quit-tèrent, et Ling ferma derrière lui la porte de son passé. Wang-Fô était las d'une ville où les visages n'avaient plus à lui apprendre aucun secret de laideur ou de beauté, et le maître et le disciple vagabondèrent ensemble sur les routes du royau-me de Han.

为了替他的老师购买从西域运来的一罐又一罐的紫色颜料,林陆续卖掉了自己的奴仆,玉器和池塘里养的鱼。等到屋里四壁皆空时,他们便离开了这个家,林就这样告别了他的过去。王佛对这个城市也已经感到厌倦,因为这儿人们的面孔再也不能告诉他任何美或丑的奥秘。于是师徒俩便在汉王国的通都大道上飘泊流浪。

Leur réputation les précédait dans les villages, au seuil des châteaux forts et sous le porche des temples où les pèlerins inquiets se réfugient au crépuscule. On disait que Wang-Fô avait le pouvoir de donner la vie à ses peintures par une dernière touche de couleur qu'il ajoutait à leurs yeux. Les fermiers venaient le supplier de leur peindre un chien de garde, et les seigneurs voulaient de lui des images de soldats. Les prêtres honoraient Wang-Fô comme un sage ; le peuple le craignait comme un sorcier. Wang se réjouissait de ces différences d'opinions qui lui permettaient d'étudier autour de lui des expressions de gratitu-de, de peur, ou de vénération.

他们的名声,先于他们本人传遍了乡村、寨堡和那些匆忙的香客黄昏时栖宿的寺庙。人们流传说:只要王佛在他画中人物的眼睛上加上最后一笔色彩,便能使这些人物变成活人活物。庄稼人来求他给他们画一条看家狗,达官贵人则要他画一些士兵。僧道敬王佛为贤哲,老百姓畏画家如巫师。王佛对这些不同的议论感到十分开心,因为这样可以使他研究周围人们的感激,害怕或敬仰等各种不同的表情。

Ling mendiait la nourriture, veillait sur le sommeil du maître et profitait de ses extases pour lui masser les pieds. Au point du jour, quand le vieux dormait encore, il partait à la chasse de paysages timides dissimulés derrière des bouquets de roseaux. Le soir, quand le maître, découragé, jetait ses pinceaux sur le sol, il les ramassait. Lorsque Wang était triste et parlait de son grand âge,

Ling lui montrait en souriant le tronc solide d'un vieux chêne ; lorsque Wang était gai et débitait des plaisanteries, Ling faisait humblement semblant de l'écouter.

林沿门乞食来供奉师傅;师傅睡觉,他就守在旁边,师傅出神的时候,他就趁机替老画家按摩双腿。天刚破晓,老人还未睡醒时,林便跑出去寻访那羞怯地隐藏在芦苇丛后的景物。晚上,当师傅心灰意懒,把画笔扔到地上的时候,林赶忙把它捡起来。当王佛感到忧伤谈到自己年事已高时,林便微笑着把一株老橡树的结实的躯干指给他师傅看。当王佛兴致上来谈笑风生的时候,林总是谦恭地装做认真聆听的样子。

Un jour, au soleil couchant, ils atteignirent les faubourgs de la ville impériale, et Ling chercha pour Wang-Fô une auberge où passer la nuit. Le vieux s'enveloppa dans des loques, et Ling se coucha contre lui pour le réchauffer, car le prin-temps venait à peine de naître, et le sol de terre battue était encore gelé. A l'aube, des pas lourds retentirent dans les corridors de l'auberge ; on entendit les chuchotements effrayés de l'hôte, et des commandements criés en langue barbare. Ling frémit, se souvenant qu'il avait volé la veille un gâteau de riz pour le repas du maître. Ne doutant pas qu'on ne vînt l'arrêter, il se demanda qui aiderait demain Wang-Fô à passer le gué du prochain fleuve.

一天,他们正好在夕阳西下时分到达了京城的近郊。林为王佛找了一家旅舍过夜。老人身裹破衣,林紧挨他躺着好使师傅暖和一点。因为这时春天刚刚来临,脚下的泥土仍未解冻。黎明,客店走道上响起沉重的脚步声,又听见客店老板惊恐的低语声和粗声粗气的命令声。林吓得发抖,因为他想起头天晚上曾经偷过一块米饼给师傅当饭吃。现在肯定是抓他来了,他心想:明天谁来帮助他师傅涉水渡过下一条河呢?

Les soldats entrèrent avec des lanternes. La flamme filtrant à travers le papier bariolé jetait des lueurs rouges ou bleues sur leurs casques de cuir. La corde d'un arc vibrait sur leur épaule, et les plus féroces poussaient tout à coup des rugis-sements sans raison. Ils posèrent lourdement la main sur la nuque de Wang-Fô, qui ne put s'empêcher de remarquer que leurs manches n'étaient pas assorties à la couleur de leur man-teau. 士兵们提着灯笼冲了进来,烛焰透过五颜六色的糊灯纸在士兵们的皮盔上反射出红色和绿色的闪光。弓弦在他们的肩头震响,那些穷凶极恶的士兵突然发出无端的吼叫。他们粗暴地抓住王佛的脖子,可这并没妨碍老画家,他发现士兵们衣袖的颜色和他们外衣的颜色是不协调的。

Soutenu par son disciple, Wang-Fô suivit les soldats en trébuchant le long des routes inégales. Les passants attroupés se gaussaient de ces deux criminels qu'on menait sans doute décapiter. A toutes les questions de Wang, les soldats répon-daient par une grimace sauvage. Ses mains ligotées souffraient, et Ling désespéré regardait son maître en souriant, ce qui était pour lui une façon plus tendre de pleurer.

王佛在徒弟的搀扶下,踉踉跄跄地跟着士兵在高低不平的路上走着。聚拢来的过路人都嘲笑这两个大概要带去杀头的罪犯,对王佛提出的所有问题,士兵们都用狰狞的鬼脸来作答。画家的手被搁了起来,痛得厉害,林心中虽然十分难过,但他却望着他师傅微笑,对他来说,这乃是一种较为婉转的哭泣方式。

Ils arrivèrent sur le seuil du palais impérial, dont les murs violets se dressaient en plein jour comme un pan de crépuscule. Les soldats firent franchir à Wang-Fô d'innombrables salles carrées

ou circulaires dont la forme symbolisait les saisons, les points cardinaux, le mâle et la femelle, la longévité, les prérogatives du pouvoir. Les portes tournaient sur elles-mêmes en émettant une note de musique, et leur agencement était tel qu'on parcourait toute la gamme en traversant le palais de l'Est au Couchant.

他们到了皇宫门口,紫色的围墙耸立在阳光下宛如一片彩霞。士兵们领着王佛穿过无数方形和圆形的殿堂。这些殿堂的形式分别象征着四季、四方、阴阳、长寿和权力。宫门都是自动开关,转动时会发出乐音,它们的布置是如此巧妙,如果人们从宫殿的东头走到西头,就可以听到全部音阶的乐音。

Tout se concertait pour donner l'idée d'une puissance et d'une subti-lité surhumaines, et l'on sentait que les moindres ordres prononcés ici devaient être définitifs et terribles comme la sagesse des ancêtres. Enfin, l'air se raréfia ; le silence devint si profond qu'un supplicié même n'eût pas osé crier. Un eunuque souleva une tenture ; les soldats tremblèrent comme des femmes, et la petite troupe entra dans la salle où trônait le Fils du Ciel.

这儿一切都安排得调和得体,给人一种特别威严和精巧的印象。人们觉得从这儿发出的哪怕是一些最次要的命令,也会象祖宗留下的训诲一样,是决定性的和令人生畏的。总之,这儿空气稀薄,周围深沉寂静到了这种地步,就连受刑者本人也不敢高声叫喊。一名太监掀开了门帘,士兵们象女人一样发起抖来。他们带着王佛走进大殿,天子正高高在上的坐在他的宝座上。

C'était une salle dépourvue de murs, soutenue par d'épaisses colonnes de pierre bleue. Un jardin s'épanouissait de l'autre côté des fûts de marbre, et chaque fleur contenue dans ses bosquets appar-tenait à une espèce rare apportée d'au-delà les océans. Mais aucune n'avait de parfum, de peur que la méditation du Dragon Céleste ne fût troublée par les bonnes odeurs. Par respect pour le silence où baignaient ses pensées, aucun oiseau n'avait été admis à l'intérieur de l'enceinte, et on en avait même chassé les abeilles. Un mur énorme séparait le jardin du reste du monde, afin que le vent, qui passe sur les chiens crevés et les cadavres des champs de bataille, ne pût se permettre de frô-ler la manche de l'Empereur. 这个大殿没有墙壁,全是由高大的蓝色石柱支撑着。在大理石柱子的尽头有一座百花盛开的花园,花丛中的每一种花都是从海外运来的名贵罕见的品种,但是没有一种花是有香味的,怕的是香味会扰乱神龙天子的沉思。为了保持皇帝思索时所需要的寂静,皇宫之内,连一只鸟雀也不得让它飞进,甚至连蜜蜂也要赶走。一堵高墙把花园和外界隔离开来,免得那些掠过死狗和战场上尸骨的风再来吹拂皇帝的衣袖。

Le Maître Céleste était assis sur un trône de jade, et ses mains étaient ridées comme celles d'un vieillard, bien qu'il eût à peine vingt ans. Sa robe était bleue pour figurer l'hiver, et verte pour rappeler le printemps. Son visage était beau, mais impassible comme un miroir placé trop haut qui ne refléterait que les astres et l'implacable ciel. Il avait à sa droite son Ministre des Plaisirs Parfaits, et à sa gauche son Conseiller des Justes Tour-ments. Comme ses courtisans, rangés au pied des colonnes, tendaient l'oreille pour recueillir le moindre mot sorti de ses lèvres, il avait pris l'habitude de parler toujours à voix basse. 天子坐在一张玉石宝座上。虽然他才刚刚二十岁,可他的手却象一双老人的手那样已经满是皱纹。他穿着蓝、绿两色的皇袍,蓝色象征冬天,绿色表示春天。他的面孔俊美,可是毫无表情,就象一面高悬的镜子,只照见星辰和冷漠的天空。右边立着他的娱乐大臣,左首站着他的司法大臣。朝臣们都列队侍立在石柱脚上,张着耳朵留神聆听从皇帝嘴里吐出的只

言片语,所以,皇帝养成了总是低声说话的习惯。

- Dragon Céleste, dit Wang-Fô prosterné, je suis vieux, je suis pauvre, je suis faible. Tu es comme l'été ; je suis comme l'hiver. Tu as Dix Mille Vies ; je n'en ai qu'une, et qui va finir. Que t'ai-je fait? On a lié mes mains, qui ne t'ont jamais nui. “陛下,”王佛跪着说道,“小民是一个老头,一个穷人,一个弱小的人。陛下好比盛夏;小民好比寒冬。陛下万寿无疆,小民命薄如纸;而且行将就木。小民实在不知何事冒犯了圣上竟至双手被缚,小民可从来未做过伤害陛下之事。”

- Tu me demandes ce que tu m'as fait, vieux Wang-Fô ? dit l'Empereur.

“老王佛,你想知道你到底何事触犯了寡人吗?”皇帝开口说话了。

Sa voix était si mélodieuse qu'elle donnait envie de pleurer. Il leva sa main droite, que les reflets du pavement de jade faisaient paraître glauque comme une plante sous-marine, et Wang-Fô, émerveillé par la longueur de ces doigts minces, chercha dans ses souvenirs s'il n'avait pas fait de l'Empereur, ou de ses ascendants, un portrait médiocre qui mériterait la mort. Mais c'était peu probable, car Wang-Fô jusqu'ici avait peu fréquenté la cour des empereurs, lui préférant les huttes des fermiers, ou, dans les villes, les faubourgs des courtisanes et les tavernes le long des quais où se querellent les portefaix.

皇帝的声音那么悦耳,使人听了就想流泪。他举起右手,玉石地面的反光使他的手显以海蓝色,活象一种海底植物。王佛看见这些瘦长的手指,惊叹得很,他回忆自己是否曾经为皇帝本人或他的父皇画过一幅不怎么高明的画像,因而罪该一死。但是,这是不可能的。因为王佛活到现在,很少和帝王的宫廷来往,他更喜欢去的地方是乡衬里庄稼汉的茅屋,城镇郊区妓女居住的场所和码头边脚夫们吵嘴骂架的小酒馆。

- Tu me demandes ce que tu m'as fait, vieux Wang-Fô ? reprit l'Empereur en penchant son cou grêle vers le vieil homme qui l'écoutait. Je vais te le dire. Mais, comme le venin d'autrui ne peut se glisser en nous que par nos neuf ouvertures, pour te mettre en présence de tes torts, je dois te promener le long des corridors de ma mémoire, et te raconter toute ma vie. Mon père avait rassemblé une collection de tes peintures dans la chambre la plus secrète du palais, car il était d'avis que les personnages des tableaux doivent être soustraits à la vue des profanes, en présence de qui ils ne peuvent baisser les yeux. C'est dans ces salles que j'ai été élevé, vieux Wang-Fô, car on avait organisé autour de moi la solitude pour me permettre d'y grandir. Pour éviter à ma candeur l'éclaboussure des âmes humaines, on avait éloi-gné de moi le flot agité de mes sujets futurs, et il n'était permis à personne de passer devant mon seuil, de peur que l'ombre de cet homme ou de cette femme ne s'étendît jusqu'à moi. Les quelques vieux serviteurs qu'on m'avait octroyés se montraient le moins possible ; les heures tour-naient en cercle ; les couleurs de tes peintures s'avivaient avec l'aube et pâlissaient avec le crépuscule. La nuit, quand je ne parvenais pas à dormir, je les regardais, et, pendant près de dix ans, je les ai regardées toutes les nuits. Le jour, assis sur un tapis dont je savais par cœur le dessin, reposant mes paumes vides sur mes genoux de soie jaune, je rêvais aux joies que me procurerait l'ave-nir. Je me représentais le monde, le pays de Han au milieu, pareil à la plaine monotone et creuse de la main que sillonnent les lignes fatales des Cinq Fleuves. Tout autour, la mer où naissent les mons-tres, et, plus loin encore, les montagnes qui supportent le ciel. Et, pour m'aider à me représen-ter toutes ces choses, je me

servais de tes peintu-res. Tu m'as fait croire que la mer ressemblait à la vaste nappe d'eau étalée sur tes toiles, si bleue qu'une pierre en y tombant ne peut que se chan-ger en saphir, que les femmes s'ouvraient et se refermaient comme des fleurs, pareilles aux créa-tures qui s'avancent, poussées par le vent, dans les allées de tes jardins, et que les jeunes guerriers à la taille mince qui veillent dans les forteresses des frontières étaient eux-mêmes des flèches qui pouvaient vous transpercer le cœur. A seize ans, j'ai vu se rouvrir les portes qui me séparaient du monde : je suis monté sur la terrasse du palais pour regarder les nuages, mais ils étaient moins beaux que ceux de tes crépuscules. J'ai commandé ma litière : secoué sur des routes dont je ne prévoyais ni la boue ni les pierres, j'ai parcouru les provinces de l'Empire sans trouver tes jardins pleins de femmes semblables à des lucioles, tes femmes dont le corps est lui-même un jardin. Les cailloux des rivages m'ont dégoûté des océans ; le sang des suppliciés est moins rouge que la grena-de figurée sur tes toiles ; la vermine des villages m'empêche de voir la beauté des rizières ; la chair des femmes vivantes me répugne comme la viande morte qui pend aux crocs des bouchers, et le rire épais de mes soldats me soulève le coeur. Tu m'as menti, Wang-Fô, vieil imposteur : le monde n'est qu'un amas de taches confuses, jetées sur le vide par un peintre insensé, sans cesse effacées par nos larmes. Le royaume de Han n'est pas le plus beau des royaumes, et je ne suis pas l'Empe-reur. Le seul empire sur lequel il vaille la peine de régner est celui où tu pénètres, vieux Wang, par le chemin des Mille Courbes et des Dix Mille Couleurs. Toi seul règnes en paix sur des monta-gnes couvertes d'une neige qui ne peut fondre, et sur des champs de narcisses qui ne peuvent pas mourir. Et c'est pourquoi, Wang-Fô, j'ai cherché quel supplice te serait réservé, à toi dont les sorti-lèges m'ont dégoûté de ce que je possède, et donné le désir de ce que je ne posséderai pas. Et pour t'enfermer dans le seul cachot dont tu ne puisses sortir, j'ai décidé qu'on te brûlerait les yeux, puisque tes yeux, Wang-Fô, sont les deux portes magiques qui t'ouvrent ton royaume. Et puisque tes mains sont les deux routes aux dix embranche-ments qui te mènent au cour de ton empire, j'ai décidé qu'on te couperait les mains. M'as-tu compris, vieux Wang-Fô ? “你想知道你何事冒犯了寡人吗?王老头?” 皇帝朝着正在听自己说话的老画家伸出细长的脖子又问了一句。“孤来告诉你吧。不过,为了让你明白你自己的过错,孤得带你走过回忆的长廊,把寡人的一生说给你听听,因为别人的毒汁只有通过我们自身的九窍才能渗入我们体内。我的父亲曾经在皇宫中最隐秘的一间屋子里收藏了你的一些画。他认为画中人物忌讳凡夫俗子的目光,因为画中人物不能在凡夫俗子面前低垂自己的眼睛。王老头,孤就是在这些宫殿里养大的,人们在孤周围安排了一种静寂孤独的环境,好让孤在其中长大成人。为了避免凡人的俗气玷污孤的赤子之心,他们让孤远离那些象滔滔洪流似的未来的臣民。谁也不许从孤门前经过,人们害怕某个男人或女人的阴影会伸展到孤身上。甚至几个差拨给寡人的老仆也极少在我跟前露面。昼夜循环,你画面上的那些颜色白天鲜艳明快,晚上暗淡无光。夜晚,当孤不能成眠的时候,孤就总是观看你那些画。将近十年之久,孤每晚都看着你的画。白天我坐在地毯上--毯子上的花样图形是孤早就熟记在心的--两只空手攀放在黄绸袍盖住的膝头上;梦想着未来为孤安排的种种欢乐。孤想象着外面的世界:处于世界中心的是大汉王国,象一只单调、平坦,略凹的巴掌,蜿蜒曲折的五条大河就象手掌上那些决定人们命运的掌纹。国土四周,大海环绕,海怪出没其间,大海之外,就是支撑着青天的高山。为了想象出所有这些事物,孤曾借助了你的画:你使孤以为大海就象你在画上展示的那样,是一片宽广的水面,海水蔚蓝,一块石头探下去就变成了蓝宝石;你使孤以为女人犹如鲜花,既会开放,又会合拢,有如你所画的仕女那样,沿着花园曲径,在和风的吹拂下,款步前行;你还使孤以为,那些守卫在边疆要塞里的身材修长的年轻武士,他们本身就是能一箭穿透你心脏的利箭。十六岁那年,我看到把孤与世隔绝的大门打开了。孤登上皇宫的平

台去观赏浮云,可是它们不及你画的晚霞美。寡人乘龙辇出游,一路上颠簸摇晃,孤既没事先料到路上的泥泞,也没料到有那么多石块,孤周游各省,都没找到你画中所画的到处都有象黄莺那样的美女的花园,也找不到你画中那样体态容貌就和一座花园似的女人。海边的石头使寡人厌烦了海洋;死囚受刑时流出来的血还不及你画布上的石榴红;农衬里的虱子臭虫使孤看不到稻田的秀美;尘世间女人的肌肤就象挂在屠夫肉案钓上的猪肉一样使寡人恶心。孤的士兵们粗笨的笑声使孤反感。王佛,你对孤撒了谎,你这名骗子。世界只不过是一位疯狂的画家在空间信手涂抹出来的一大摊混乱的墨渍,它经常被我们的眼泪所冲刷。汉王国并不是所有王国中最美的国家,孤也并非至高无上的皇帝。最值得统治的帝国只有一个,那就是你王老头通过成千的曲线和上万种颜色所进入的王国。只有你悠然自得地统治着那些覆盖着皑皑白雪终年不化的高山和那些遍地盛开着永不凋谢的水仙花的田野。因此,王佛,孤一直在捉摸哪一种刑罚施加于你才是合适的,因为你的魔法使孤讨厌自己所拥有的一切,而使孤渴望自己未曾获得的一切。为了把你打入你无法逃脱的唯一的黑牢里,寡人决定让人烧瞎你的双眼,既然你王佛的眼睛是让你进入你的王国的两扇神奇的大门。寡人还决定让人砍掉你的双手,既然你王佛的两只手是领你到达你那王国的心脏的,有着十条岔路的两条大道。老家伙,你现在听懂了寡人的意思了吗?”

En entendant cette sentence, le disciple Ling arracha de sa ceinture un couteau ébréché et se précipita sur l'Empereur. Deux gardes le saisirent. Le Fils du Ciel sourit et ajouta dans un soupir

一听到这个判决,画家的徒弟林就从腰间拨出一把缺了口的刀子扑向皇帝。两个卫士把他抓了起来。天子微微一笑,又叹了口气说:“孤恨你这个老家伙,还因为你晓得如何让人爱你。快把这个狗徒弟给寡人杀掉。”

- Et je te hais aussi, vieux Wang-Fô, parce que tu as su te faire aimer. Tuez ce chien. Ling fit un bond en avant pour éviter que son sang ne vînt tacher la robe du maître. Un des soldats leva son sabre, et la tête de Ling se détacha de sa nuque, pareille à une fleur coupée. Les serviteurs emportèrent ses restes, et Wang-Fô, désespéré, admira la belle tache écarlate que le sang de son disciple faisait sur le pavement de pierre verte. 林纵身往前一跳,免得他被及时流出来的血弄脏了师傅的袍子。一个卫兵举起了他的大刀,林的脑袋从他脖子上掉了下来,就好象一朵断了枝的鲜花。侍从们搬走了林的尸体,王佛虽然悲痛欲绝,却又情不白禁地欣赏起他徒弟留在绿石地面上的美丽猩红的血迹来了。皇帝作了一个手势,两名太监走过来擦了擦王佛的眼睛。

L'Empereur fit un signe, et deux eunuques essuyèrent les yeux de Wang-Fô.

- Écoute, vieux Wang-Fô, dit l'Empereur, et sèche tes larmes, car ce n'est pas le moment de pleurer. Tes yeux doivent rester clairs, afin que le peu de lumière qui leur reste ne soit pas brouillée par tes pleurs. Car ce n'est pas seulement par rancune que je souhaite ta mort ; ce n'est pas seulement par cruauté que je veux te voir souffrir. J'ai d'autres projets, vieux Wang-Fô. Je possède dans ma collection de tes oeuvres une peinture admirable où les montagnes, l'estuaire des fleuves et la mer se reflètent, infiniment rapetissés sans doute, mais avec une évidence qui surpasse celle des objets eux-mêmes, comme les figures qui se mirent sur les parois d'une sphère. Mais cette peinture est inachevée, Wang-Fô, et ton chef-d'oeuvre est à l'état d'ébauche. Sans doute, au moment où tu peignais, assis dans une vallée soli-taire, tu remarquas un oiseau qui passait, ou un enfant qui poursuivait cet oiseau. Et le bec de l'oi-seau ou les joues de l'enfant t'ont fait oublier les paupières

bleues des flots. Tu n'as pas terminé les franges du manteau de la mer, ni les cheveux d'al-gues des rochers. Wang-Fô, je veux que tu consacres les heures de lumière qui te restent à finir cette peinture, qui contiendra ainsi les derniers secrets accumulés au cours de ta longue vie. Nul doute que tes mains, si près de tomber, ne trembleront sur l'étoffe de soie, et l'infini pénétre-ra dans ton ouvre par ces hachures du malheur. Et nul doute que tes yeux, si près d'être anéantis, ne découvriront des rapports à la limite des sens humains. Tel est mon projet, vieux Wang-Fô, et je puis te forcer à l'accomplir. Si tu refuses, avant de t'aveugler, je ferai brûler toutes tes oeuvres, et tu seras alors pareil à un père dont on a massacré les fils et détruit les espérances de postérité. Mais crois plutôt, si tu veux, que ce dernier commande-ment n'est qu'un effet de ma bonté, car je sais que la toile est la seule maîtresse que tu aies jamais caressée. Et t'offrir des pinceaux, des couleurs et de l'encre pour occuper tes dernières heures, c'est faire l'aumône d'une fille de joie à un homme qu'on va mettre à mort. “老王佛,你听着。”皇帝说,“擦干你的眼泪,因为现在不是哭鼻子的时候。你的眼睛还得继续保持明亮,别让泪水模糊了你的视线。孤要把你处死,并非只是出于憎恨,孤想看你受苦,也不单是出于残忍。王老头,寡人还有别的打算,在孤所收藏的你的作品里,有一幅奇妙的名画,画中的高山、港湾和大海交相辉映,当然它们的尺寸都是被大大缩小了的,但其真实性却胜过原物本身,就好象照在球面镜上的形象那样。不过,这幅画是没有画完的,王佛,你的杰作还是一部半成品。很可能你是坐在一个幽静的山谷里画这幅画的,当你正在画着的时候,你大概发现了一只飞鸟,或者是一个小孩正在追捕这只小鸟。而这只鸟儿的嘴或这孩子的脸蛋使得你忘记了那好似蓝色眼睑的海浪。你既没有画完大海外衣上的流苏,也没有画完礁石上毛发般的海藻。王佛,孤要你把留给你的眼睛还看得见的时间来完成这幅画。这样一来,它就会把你漫长一生中所积累起来的最奥秘的本领都体现出来了。毫无疑问,你那快要被砍断的双手会在绢轴上发抖的,这样一来,无限的意境将会通过这些不幸的影线而进入你的作品之中。毫无疑问,你那双快要被弄瞎的眼睛将会在人的感觉的极限之内发现事物之间的比例关系。老王佛,这是寡人的打算,寡人能迫使你完成它。你如果拒绝,那么在把你眼睛弄瞎之前,孤将令人烧掉你全部的作品,那时,你就会象一个所有的孩子都被人杀死了的父亲,断绝了传宗接代的希望。不过,你要知道,这最后的一道命令是孤的一片好心,因为孤知道画布乃是你过去爱抚过的唯一。孤现在赏给你笔、墨和颜色让你消磨最后的光阴,就好比把一名妓女赏给一个就要判处死刑的男人一样。”

Sur un signe du petit doigt de l'Empereur, deux eunuques apportèrent respectueusement la peintu-re inachevée où Wang-Fô avait tracé l'image de la mer et du ciel. Wang-Fô sécha ses larmes et sourit, car cette petite esquisse lui rappelait sa jeunesse. Tout y attestait une fraîcheur d'âme à laquelle Wang-Fô ne pouvait plus prétendre, mais il y manquait cependant quelque chose, car à l'époque où Wang l'avait peinte, il n'avait pas encore assez contemplé de montagnes, ni de rochers baignant dans la mer leurs flancs nus, et ne s'était pas assez pénétré de la tristesse du crépuscule. Wang-Fô choisit un des pinceaux que lui présentait un esclave et se mit à étendre sur la mer inachevée de larges coulées bleues. Un eunuque accroupi à ses pieds broyait les couleurs ; il s'acquittait assez mal de cette besogne, et plus que jamais Wang-Fô regretta son disciple Ling. 皇帝用小指头作了一个手势,两个太监恭恭敬敬地把王佛勾有大海和蓝天形象但尚未画完的画幅拿了出来。王佛掠干了眼泪,微笑起来,因为这小小的画稿使他想起了自己的青春。整幅画表现出一种清新的意境,这是王佛后来再也不能企及的了。然而画上的确少了某些东西,因为在王佛作这幅画的时期,他观赏的崇山峻岭和濒临大海的悬岩峭壁还不够多,对于黄昏使人产生的惆怅之感,体会也很不深刻。王佛从一名仆从递给他的画笔中挑了一支,就

开始在那未画完的大海上抹上了大片大片代表海水的蓝颜色。一名太监蹲在他脚下替他磨墨调色,但这种差事他干得相当笨拙,因而王佛这时比过去任何时候都更加怀念他的弟子林了。

Wang commença par teinter de rose le bout de l'aile d'un nuage posé sur une montagne. Puis il ajouta à la surface de la mer de petites rides qui ne faisaient que rendre plus profond le sentiment de sa sérénité. Le pavement de jade devenait singuliè-rement humide, mais Wang-Fô, absorbé dans sa peinture, ne s'apercevait pas qu'il travaillait assis dans l'eau. 王佛又开始给山顶上一片浮云的翼角涂上粉红色,然后,他又在海面补画上一些小小的波纹,加深了大海的宁静感。奇怪得很,皇帝的玉石地面这时忽然变得潮湿起来,可是,王佛正全神贯注在创作上,并未发觉自已是双脚站在水里作画。

Le frêle canot grossi sous les coups de pinceau du peintre occupait maintenant tout le premier plan du rouleau de soie. Le bruit cadencé des rames s'éleva soudain dans la distance, rapide et vif comme un battement d'aile. Le bruit se rappro-cha, emplit doucement toute la salle, puis cessa, et des gouttes tremblaient, immobiles, suspendues aux avirons du batelier. Depuis longtemps, le fer rouge destiné aux yeux de Wang s'était éteint sur le brasier du bourreau. Dans l'eau jusqu'aux épaules, les courtisans, immobilisés par l'étiquette, se soulevaient sur la pointe des pieds. L'eau attei-gnit enfin au niveau du ccxur impérial. Le silence était si profond qu'on eût entendu tomber des larmes. C'était bien Ling. Il avait sa vieille robe de tous les jours, et sa manche droite portait encore les traces d'un accroc qu'il n'avait pas eu le temps de réparer, le matin, avant l'arrivée des soldats. Mais il avait autour du cou une étrange écharpe rouge. 一叶扁舟在画家的笔下逐渐变大,现在这小舟已占据了这幅画的全部近景,远处突然响起了有节奏的荡桨声,急速轻快,有如鸟儿鼓翅。浆声越来越近,慢慢地响彻整个大殿,接着桨声虽然中止,附在船夫桨柄上的水珠还在颤动哩!原来已经烧得通红的用来烫瞎王佛眼睛的烙铁早已在刽子手们的火盆中冷却了。朝臣们在深齐肩头的大水中慑于礼仪不敢动弹,只得把自己的脚尖踮起来。最后大水终于涨到了皇帝的心口,殿中仍是那样的静寂,甚至听见了有人掉眼泪的声音。果然是林站在那儿,他仍然披着往常那件旧袍,右边的袖子还有几处挂破了的地方,因为那天早上,在士兵们抓捕他们之前,他没有来得及把破洞补上。但是他的脖子上却围着一条奇怪的红色围巾。

Wang-Fô lui dit doucement en continuant à peindre:

- Je te croyais mort.

- Vous vivant, dit respectueusement Ling, comment aurais-je pu mourir ?

Et il aida le maître à monter en barque. Le plafond de jade se reflétait sur l'eau, de sorte que Ling paraissait naviguer à l'intérieur d'une grotte. Les tresses des courtisans submergés ondulaient à la surface comme des serpents, et la tête pâle de l'Empereur flottait comme un lotus.

- Regarde, mon disciple, dit mélancoliquement Wang-Fô. Ces malheureux vont périr, si ce n'est déjà fait. Je ne me doutais pas qu'il y avait assez d'eau dans la mer pour noyer un Empereur.Que faire ?

- Ne crains rien, Maître, murmura le disciple. Bientôt, ils se trouveront à sec et ne se souvien-dront même pas que leur manche ait jamais été mouillée. Seul, l'Empereur gardera au cœur un peu d'amertume marine. Ces gens ne sont pas faits pour se perdre à l'intérieur d'une peinture.

Et il ajouta:

-La mer est belle, le vent bon, les oiseaux marins font leur nid. Partons, mon Maître, pour le pays au-delà des flots.

-Partons, dit le vieux peintre.

王佛一边继续作画一边亲切地对徒弟说:

“我还以为你死了哩。”

“您还活着。”林恭敬地问答说,“我怎么能死去呢?”

于是,他扶着师傅上了船。镶了玉石的天花板倒映在水里,林的船就好似在岩洞中航行。朝臣们没在水中,他们的辫子好象水蛇一样在水面飘游,皇帝苍白的脑袋则好象一朵莲花浮在水面。

“徒弟,你看,”王佛忧心忡忡地说,“这些不幸的人就要淹死了。虽然眼下还不是既成事实。我过去可没想到海里面有那么多水,能够把皇帝也淹死。现在可怎么办?”

“师傅,你什么也不必担心。”徒弟喃喃地说,“他们就会站到旱地上去的,不要多久,这些人甚至连他们的衣袖曾经泡湿过也会记不起来的。只有皇帝,他心里可能会留下一点海水的苦涩味道。这些人不是那种人物,是不会在一幅画中消失的。”

他又接着说道:“大海真美,海风和煦,海鸟正在筑巢。师傅,我们动身吧!到大海彼岸的那个地方去。”

“我们走吧!”老画家说。

Wang-Fô se saisit du gouvernail, et Ling se pencha sur les rames. La cadence des avirons emplit de nouveau toute la salle, ferme et régulière comme le bruit d'un coeur. Le niveau de l'eau diminuait insensiblement autour des grands rochers verticaux qui redevenaient des colonnes. Bientôt, quelques rares flaques brillèrent seules dans les dépressions du pavement de jade. Les robes des courtisans étaient sèches, mais l'Empe-reur gardait quelques flocons d'écume dans la frange de son manteau.

王佛掌舵,林俯身划桨。桨声重新响彻大殿,就象心脏跳动的声音那样,均称而有力。峭壁周围,水位不知不觉地减退,悬岩又重新交成了石柱。不久,就只剩下玉石地面的几处低洼地方还有很少的几摊水在闪闪发光。大臣们的朝服全都干了。只有皇帝大衣的流苏上还留着几朵浪花。

Le rouleau achevé par Wang-Fô restait posé sur la table basse. Une barque en occupait tout le premier plan. Elle s'éloignait peu à peu, laissant derrière elle un mince sillage qui se refermait sur la mer immobile. Déjà, on ne distinguait plus le visage des deux hommes assis dans le canot. Mais on apercevait encore l'écharpe rouge de Ling, et la barbe de Wang-Fô flottait au vent.

王佛完成的那幅画靠着帷幔放在那儿。一只小船占去了整个近景。小船渐渐驶远,船尾留下一条细长的航迹,随后连航迹也在平静的海面上消逝了。人们已经再也辨认不清坐在船上的师徒两个的面目,仅还能望见林的红色围巾,还有那在空中飘拂的王佛的胡须。

La pulsation des rames s'affaiblit, puis cessa, oblitérée par la distance. L'Empereur, penché en avant, la main sur les yeux, regardait s'éloigner la barque de Wang qui n'était déjà plus qu'une tache imperceptible dans la pâleur du crépuscule. Une buée d'or s'éleva et se déploya sur la mer. Enfin, la barque vira autour d'un rocher qui fermait l'en-trée du large ; l'ombre d'une falaise tomba sur elle ; le sillage s'effaça de la surface déserte, et le peintre Wang-Fô et son disciple Ling disparurent à jamais sur cette mer de jade bleu que Wang-Fô venait d'inventer.

桨声渐微,最后完全中止,因为距离太远,听不见了。皇帝俯身向前,手搭凉棚,望着王佛的小船越驶越远,在苍茫的暮色中变成了难以望见的一个黑点。一股金黄色的水气从海面升起并且弥漫开来。最后,小舟沿着一块封住海门的岩石转了弯,峭壁的阴影落在船上;船尾的航迹消失在那空旷的海面上。画家王佛和他的徒弟林便永远消失在刚刚由他自己制作的蓝天般的海洋里。

Marguerite YOURCENAR de l'Académie française

(刘君强 译)

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